11 – Cette photo prise dans un hôtel de Sainte-Maure-de-Touraine, à mi-chemin de la route de nos vacances d’été 2024, montre Laurent et moi, presqu’allongés, les épaules et le haut du dos appuyés sur de confortables oreillers aux taies de coton blanc. Laurent a le torse nu, il porte des lunettes et regarde un écran qui se reflète sur ses verres de lunettes, probablement la télévision. Il a la bouche légèrement entr’ouverte comme si des paroles pouvaient enfin sortir de sa bouche, des paroles qu’on entendrait pas encore. Une barbe taillée et une moustache, où de rares poils noirs s’effacent au profit de poils blancs. Son poignet droit est appuyé sur sa tête, tout en haut de son front, avec la main repliée sur elle-même comme s‘il s‘apprêtait à serrer le poing, mais qu’une hypnose l’en empêchait. Des ombres maquillent son torse imberbe comme autant de spectre et le bois sur lequel reposent les oreillers.
Moi, je suis dans la même posture, peut-être un peu plus avachie, mes traits sont tirés, mes yeux ont du mal à rester ouverts derrière mes grosses lunettes à monture verte, on voit que je suis fatiguée, mon teint est grisâtre et huileux, il respire cependant une joie dans laquelle on peut lire une détente longtemps attendue. Mes cheveux longs emmêlés sont lâchés, encore un peu caramel, fonçant avec le temps, ils s‘étalent sur l’oreiller, sur mes épaules, ma gorge nue, cherchant à s‘enrouler dans une bretelle de chemise de nuit noire, de laquelle de la dentelle noire couvre ma poitrine. Je souris de toutes mes dents, j’ai l’air heureux. Mes deux bras en avant, esquissant le mouvement d’un dessin, montre que c’est moi qui prend la photo. Une seule ombre se dégage de moi comme coulant de ma tête sur l’oreiller.