J’ai eu un amant, il y a longtemps. Il n’était pas vraiment beau, même s’il avait du charme. Il n’était pas vraiment doué. Il fallait l’aider à me draguer, faire un peu les questions et les réponses, le provoquer. Mais il était désireux et pugnace et moi je cherchais un homme doux et gentil, qui m’apporterait un peu de légèreté et de rêve et de sexe aussi, j’étais particulièrement excitée à cette époque de ma vie. Mon homme de l’époque ne s’intéressait plus à moi, ne dormait plus avec moi, nous faisions de manière épisodique l’amour et il n’avait que très peu d’attentions à mon égard et cet homme , qui deviendrait mon premier amant, dans une liste qui s’allongerait jusqu’au cynisme pendant plus de trois ans, cet homme donc, pouvait, semble-t-il, m’apporter cette tendresse et cette chaleur qui me manquait. Il avait l’esprit picaresque et nos rencontres clandestines ne faisaient qu’apporter un plus à notre connivence. On vivait une vie parallèle, lui en mentant à sa régulière et moi, à mon régulier. On volait du temps. On se voyait le matin. C’était étrange d’aller chez lui, à pied depuis chez moi, quelques vingtaine de minutes de marche, du 10eme au 3eme, fraîchement sortie de ma douche et de le retrouver pour me déshabiller.
Je me souviens, je crois que c’était la toute première fois, j’avais revêtu de la lingerie verte et or, en tulle très fin, de la marque Pérèle, que j’aimais beaucoup, que j’avais achetée en présence de mon régulier, peut-être même que c’est lui qui l’avais payée, se croyant sorti d’affaire de notre crise conjugale, tandis que j’étais déjà déterminée à le tromper. Le nouvel amant m’embrassait tendrement, son manque d’assurance dans la drague, disparaissait soudain dans l’action. Il me faisait danser dans un slow presqu’immobile, me tenant dans ses bras contre lui. Je ne sais même plus s’il y avait de la musique ou s’il fredonnait ou si c’était le silence qui nous accompagnait. L’instant était maître. Je me laissais transportée par l’instant, par l’intensité de l’instant. Je portais un pull en grosse laine de mouton écrue, qui me tenait chaud par cet hiver rigoureux. L’amant était au-dessus de moi, sur le côté. Nous étions sur son lit qu’il ne déferait pas, sous la mansarde de son appartement. J’étais allongée sur le dos, dans une torpeur de chaleur. Il fouissait sous mon pull, comme un animal furieux, allant d’avant en arrière et en circonvolutions, caressant mon torse, mes seins et j’éprouvais une jouissance jamais atteinte. Je ne parle pas d’orgasmes, qui se révélèrent assez décevants, je parle de jouissance. Le plaisir puissant que je ressentais sous la caresse insistante de ses mains me montait le rouge aux joues et me faisait m’enflammer.
Il m’expliqua après l’amour, qu’il avait eu une maîtresse, dans sa jeunesse, qui l’avait initié, qui l’avait fait ralentir et qui lui avait montrer les bons gestes. Comment caresser un buste de femme, une poitrine de femme. Comment faire monter le plaisir chez la femme avant de la pénétrer pour un meilleur accueil. Il était donc doux, tendre, précis et attentif. Notre histoire dura ce qu’elle dura. Comme bien souvent, dans les couples, qu’ils fussent réguliers ou illégitimes, le travail nous rattrapa et nous devînmes des partenaires, voire des collègues. La sexualité comme la douceur et la sensualité continuaient à nous tenir, mais bien vite rattrapées par des relations de pouvoir et d’argent. En tout cas, je n’ai pas oublié, cette matinée où il faisait si froid dehors et si chaud dedans.